pour en finir avec "cordialement" | mots pas sots

« Mots pas sots » décortique les idiomes pour ne pas finir idiot. Parce qu’il vaut mieux clouer le bec que rester bouche bée.


Première chose à savoir, les mots sont comme les choses : plus on les utilise, plus ils s’usent et perdent de leur efficacité. « Cordialement » par exemple est utilisé machinalement en guise de paraphe, si bien qu’aujourd’hui, il est vide de sens. Je vous propose de trouver le cordialement qui vous correspond à travers la présentation de onze versions. Il y en a forcément une qui est faite pour vous.

La paraphrase

« À vous de coeur »
Georges Sand
La valeur sûre. On reste sur une signification très proche de cordialement. Pour un contexte plus officiel, préférez «Bonjour de coeur » de Rimbaud (le 15 mai 1871, à Paul Demeny), qui convient mieux pour un ton plus détaché.

La formelle

« Je suis, monsieur, avec toute l’estime que je vous dois »
Voltaire
le 27 décembre 1771, à Pierre Louis Sissous de Valmire
Simple, détachée, respectueuse et élégante, cette version est parfaite pour vos correspondances officielles.

La solennelle

« Adieu, aimez moi, vous aimerez un ami »
Victor Hugo
le 12 juillet 1830, à Lamartine
Pour les échanges profonds et respectueux entre deux êtres foncièrement liés.

L’enthousiaste

« Je vous serre la main le plus violemment qu’il m’est possible »
Arthur Rimbaud
en 1870, à Paul Demeny
À utiliser seulement dans un échange avec une personne pouvant déceler l’affection sous l’exagération.

L’exaltée

« Adieu mille fois, mille baisers de loin, qui n’en valent pas un de près »
Denis Diderot
à Sophie Volland
Idéale pour les amoureux transis à la recherche de romantisme. Voilà une péroraison originale avec une note poétique qui saura envouter la personne aimée.

La soumise

« Je me jette à vos pieds au nom de l’humanité. Je suis avec le plus profond respect et la plus vive reconnaissance »
Voltaire
le 26 novembre 1774, à Marie Louise de la Rochefoucauld
Afin de montrer votre admiration la plus respectueuse à l’égard de votre correspondant. Elle s’adapte très facilement aux échanges amoureux. Pour une dichotomie accentuée, se pencher sur cette variante de Voltaire : « Que ma souveraine agrée le profond respect de sa vieille créature » (à Ferney le 31 août 1771, à Catherine II de Russie).

La lubrique

« Je te baise partout avec mes yeux, ma bouche, mes mains et mon sexe »
Paul Éluard
en février 1930, à Gala
Les mots peuvent exprimer la passion, autant en profiter pleinement si on est sûr de sa réciprocité. Attention tout de même : la frontière avec la vulgarité peut être très rapidement franchie.

L’impatiente

« Vous seriez exécrable de ne pas répondre »
Arthur Rimbaud
le 15 mai 1871, à Paul Demeny
Pour les plus pressés d’entre vous. Mais sachez que vous ne pouvez vous permettre d’être impatient qu’avec votre cercle privé.

La caustique

« À vous, pas amicalement »
Louis-Ferdinand Céline
le 18 novembre 1954, à Jean Paulhan
Restez élégant tout en étant méprisant. Soyez tout de même prudent lors de son utilisation : il sera très difficile de renouveler une amitié avec votre correspondant après cette affirmation.

La saugrenue

« Mort aux vaches et au champ d’honneur »
Georges Perec
Exquise si vous êtes un adepte de la dérision et de l’absurde. Mais soyez prudent, cette version est à utiliser uniquement dans la sphère privée et affective.

La coquette

« Les paroles me manquent, je les trouve trop petites »
Madame de Sévigné
Pour clôturer votre épistole sur une image élégante et affectueuse. Idéale pour les correspondances avec les êtres chers qu’on aime de trop loin depuis trop longtemps.

Sources
Céline Louis Ferdinand, Lettres à la NRF, France : Gallimard, 2009, 617 pages
Diderot Denis, Correspondance, Paris : Robert Laffont, 1997, 1468 pages
Éluard Paul, Lettres à Gala, France : Gallimard, 1984, 517 pages
Perec Georges, Cher, très cher, admirable et charmant ami…, France : Flammarion, 1997, 608 pages
Rimbaud Arthur, Correspondance, Rodesa : Fayard, 2007, 1021 pages
Sand George, Correspondance, Paris : Classique Garnier, Tome XV, 1981, 984 pages
Voltaire, Correspondance, Grande-Bretagne : Théodore Bestrman, 1975, XXXVIII, 493 pages
Voltaire, Correspondance, Grande-Bretagne : Théodore Bestrman, 1975, XLI, 460 pages

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September 13, 2019
Aujourd’hui, oubliant qu’il faut sortir couvert, le couvre-chef se fait farouche. Il hésite de plus en plus à se montrer au grand jour, et lorsqu’enfin il ose apparaître en public, il se manifeste via son apparence la plus austère : le bonnet. Il a perdu presque toutes ses qualités esthétiques, il est dorénavant seulement pratique. Revenons trois siècles en arrière, apothéose des chapeaux, coiffes, capuchons, galurins, bicornes, tricornes, bonnets, toques et j’en passe, l’époque où le couvre-chef est un ornement esthétique par excellence. Pas une seule dame ne pouvait se réclamer à la dernière mode sans un chapeau assorti à sa tenue. Quelle ignominie, quelle faute de goût d’oser se présenter en société la tête découverte. Le chapeau est primordial, c’est un accessoire indispensable au bon goût, venant aussi subtilement qu’une mouche parfaire l’apparence vestimentaire des gens de qualité. Si nous devions résumer l’apparence des chapeaux à la mode pour la gent féminine au XVIIIe, les termes discrets et épurés conviendraient à merveille pour décrire ce à quoi ils ne correspondaient pas du tout. Plus on monte dans l’échelle sociale, plus les chapeaux se font volumineux, baroques et originaux, abandonnant la notion même de confort. Même si on adopte l’habit masculin, on enfile au choix son tricorne ou son bicorne. Le styliste mondain ne recule devant aucune matière pour garnir ses chapeaux. Ainsi peut-on voir des couvre-chefs ornés de tissus, frou-frou, dentelle, traine de tissus et nœuds en tout genre qui prennent davantage de place avec les années à l’instar du chapeau qui occupe lui aussi un champ plus important sur les têtes. Viennent ensuite les plumes, d’abord avec parcimonie, puis avec prodigalité, si bien que l’on n’est plus en mesure de savoir s’il s’agit d’un chapeau orné ou d’un oiseau inerte. Le chapeau grandit, devenant plus grand que la tête, il peut se porter de côté, droit, relevé ou rabattu, mais toujours avec un attirail subreptice pour feinter l’aisance du maintien et le confort du chapeau. A l’image des nobles, le chapeau se fait superficiel et inutile. Il est réduit à une simple mais élaborée démonstration de richesse. On a dépassé les raisons pratiques qui ont amenées sa création. Le port du chapeau devient un signe ostentatoire de richesse qui occupe une place de plus en plus importante sur le corps. On ne sait plus vraiment à quoi sert un chapeau, mais on est sûr qu’on se doit d’un mettre un.
September 13, 2019
Nous nous adonnons à cette activité régulièrement. Pour certains, ce geste est même quotidien. Il est partagé par tous. C’est un moment particulier que nous vivons chacun à notre manière. Les uns, les plus assidus, ont leurs rituels, leurs habitudes quasi méthodiques, et les autres fonctionnent à l’instinct, se laissant aller au gré de leurs envies. Mais pour la plupart d’entre nous, nous nous lançons lorsque nous n’avons plus d’autre choix, lorsque le besoin d’évacuer est à son paroxysme. Ce besoin peut aussi dans certains cas s’assimiler à une commission, petite ou grosse. Chacun a un jour connu l’angoisse terrible que l’envie de désemplir – son âme ou son corps – nous prenne dans un lieu inadéquat, comme un lieu public. Que cette envie soit si vive, voire maladive, et que rien ne puisse aider à nous apaiser. La seule alternative qu’il nous reste est celle de patienter. Et si l’inspiration m’échappait ? Et si je ne réussissais pas à me retenir ? Atermoyer à contre cœur donc, prendre sur nous car cet acte demande un certain isolement. Pour mener à bien cette tâche, l’idéal est de se trouver dans un lieu familier et réconfortant, même si parfois nous n’avons pas vraiment le choix. Mais si nous voulons être efficient, il nous faut une thébaïde. En résumé, c’est encore chez nous que nous sommes le plus commode. Et lorsque nous sommes lancés, nous ne voulons en aucun cas être dérangés. Ce moment n’appartient qu’à nous. Cette activité nous demande systématiquement du papier – sauf peut-être pour les plus imaginatifs d’entre nous – dans des quantités très variables d’une fois sur l’autre. Le fruit de notre effort est en corrélation avec notre expérience passée, notre vécu, les choses que nous avons encaissées. C’est parfois agréable, parfois douloureux. Et même si parfois cette action nous semble triviale, ou que nous en sortons avec une frustration amère, comme si notre geste avait été interrompu, que quelque chose nous ait empêché de mener à bien notre tâche et d’aller au bout des choses, c’est un besoin naturel indispensable à notre bien-être intérieur et notre félicité. Je me risquerai à dire que c’est même parfois une question de survie.
September 13, 2019
Pour ce sujet, je concilie les deux puisque je vais vous parler du temps où les foyers possédaient un téléviseur. De nos jours, où les nouvelles chaînes de télévisions poussent comme des ronces dans un bosquet de roses, il est de plus en plus difficile de trouver les boutons de fleurs, mais de plus en plus aisé de se faire épingler et prendre au piège. Dorénavant, c'est le téléviseur qui possède le foyer. Du temps où les chaines de télévision n’étaient qu'au nombre de six, chacune avait la préférence d’une personne du foyer. On connaissait les programmes, les émissions, le visionnage était ponctuel et réfléchit ; on butinait des programmes connus afin de récolter des bienfaits recherchés. La télévision était un outil parmi d’autres pour satisfaire notre curiosité ou pour nous distraire le temps d'un programme. Même si nos connaissances en matière de programmation se révélaient lacunaires, un tour d’horizon était vite opéré. Et si rien ne nous convenait, nous éteignions le poste et allions nous donner à d’autres activités, hors ou non du foyer, comme le jardinage par exemple. Aujourd’hui, si nous concrétisons le projet de faire le tour des chaines, dans le but de trouver un programme attirant notre attention, même si le premier tour ne donne rien, il aura été si long que les programmes auront eu le temps de changer et donc un deuxième tour s’impose, et ainsi de suite. Vous avez de grandes chances de finir en zappeur chronique. Cependant, avec la multiplication des chaînes spécialisées, votre spectre de zappage se réduira et vous trouverez à coup sûr une distraction. Car hélas le vrai problème est là, c’est le besoin de distraction qui nous amène systématiquement devant notre téléviseur. Avant, nous allions regarder la télévision avec une idée de visionnage, distractif et/ou culturel d’ailleurs. Maintenant, nous choisissons la télévision car nous voulons être distraits en faisant le moins d’effort possible. Nous délaissons donc tous les autres loisirs que nous avons pu avoir, et nos jardins restent secs, stériles, et ne sont plus utiles à personne. Les enfants font l’école buissonnière pour végéter devant leur pose de télévision. Est-ce que la télévision est la cause du flétrissement de notre société? Est-ce que si vous arroser abondamment une fleur d’eau, elle ne prend plus la peine d’enfoncer ses racines au plus profond du sol? Il semble loin le temps de l'enfance, où pour vivre heureux, il suffisait de cultiver son jardin.
September 12, 2019
De nos jours, il faut être en marge de la mode pour être tendance. Il faut être méticuleusement et soigneusement négligé pour être élégant. Et il faut être savamment blasé pour enthousiasmer. Mots Pas Sots vous propose un top des nouveaux mots fleurissant dans la langue française qui signifient tout et son contraire.